Image de Netanyahou, lors de son discours à l’ONU du 27 septembre 2024, présentant une opposition classique et caricaturale entre le Bien et le Mal, qui n’est pas sans rappeler “l’axe du Mal” de Georges W. Bush.

Faux débat #3.2 — Israël-Palestine : s’engager n’est pas prendre parti

Olivier Randier
14 min readOct 13, 2024

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Pour notre esprit paresseux, la complexité du monde est une contrainte embarrassante, alors il est tentant de pencher plutôt vers une simple dichotomie confortable : il y a nous, les bons, forcément, d’un côté, et eux, les méchants, de l’autre. Quitte à recourir à toutes sortes de justifications boiteuses, comme des précédents inadaptés, pour conforter notre opinion. Pourtant, lorsque tout nous pousse à la guerre, refuser de prendre parti peut être une audace plutôt qu’une lâcheté.

Refuser de prendre parti n’est pas nécessairement être neutre. Et ce n’est pas, contrairement à ce que prétendent les zélateurs d’un Hamas « résistant », être du côté de l’oppresseur. C’est affirmer que cette guerre aura une fin et qu’il faut bien commencer à penser à l’après. Or, faire la paix est bien plus compliqué que de faire la guerre. Car la paix n’est pas simplement l’absence de guerre, c’est une construction et un long processus de guérison. Et ça demande un engagement bien plus fort que pour faire la guerre, notamment pour faire l’effort de penser contre soi.

La boussole est claire : le repère qu’il faut fuir, celui dont on doit toujours s’éloigner pour être ramené en pleine mer d’incertitude, c’est-à-dire à l’abri, c’est la tranquillité d’âme, c’est le sentiment de la pureté morale. C’est le sentiment d’être au service de la Juste Cause exclusive […]. Celui de la sainte Colère […], celui de la Vérité révélée. La conviction d’être parmi les Bons contre les Méchants, des Justes contre les Bêtes, des innocents contre les criminels, […] ou de la Civilisation contre la Sauvagerie.

Baptiste Morizot, Manières d’être vivant

Des grilles de lecture limitées

Notre incapacité à appréhender la complexité et la tentation d’y appliquer des grilles de lecture toutes faites, familières, est le premier piège intellectuel qu’il faut s’efforcer d’éviter, lorsqu’on essaie de penser réellement le conflit israélo-arabe. Ceux qui connaissent la réalité du terrain peuvent témoigner à quel point celles-ci sont inadéquates et, la plupart du temps, contre-productives.

Israël, un État colonial ?

La grille de lecture la plus sollicitée, lorsqu’on parle du Proche-Orient, est sans doute celle du colonialisme. Si la création d’Israël intervient effectivement dans le contexte de la fin de la colonisation, identifier les Israéliens à des colons est pourtant un contre-sens dramatique. En effet, alors que le sionisme originel est plutôt un héritier du printemps des peuples et des théories sociales de la fin du XIXe siècle, il est ensuite devenu, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’ultime espoir de populations rescapées de la Shoah, qui se vivent évidemment bien plus comme des réfugiés que comme des colons. Il est à ce titre fermement ancré dans cette période qui a vu l’éclatement des grands empires coloniaux au profit des nations modernes.

Évidemment, la perception des Palestiniens, et du monde arabe en général, est très différente, d’autant que les alliances qu’Israël a été contraint de contracter, et par exemple le rôle qu’il a joué dans la crise du canal de Suez, les a confortés dans cette lecture. La colonisation effective menée en Cisjordanie depuis l’occupation a achevé de donner corps à cette interprétation.

Pourtant, si la lecture coloniale a un sens dans la région, c’est bien plus du côté des puissances anglaise et française qu’il faut le chercher. En effet, on peut s’interroger sur les intentions de la Grande-Bretagne lorsqu’elle a promis un même territoire à deux populations. S’agissait-il d’introduire un grain de sable aux conséquences — ô combien — imprévisibles dans la dynamique panarabe qui se mettait en place à ce moment-là ? Ou de se débarrasser d’un problème embarrassant pour l’Europe en le refilant aux Arabes ? On ne saurait en tout cas le réduire à la volonté d’établir des colonies de peuplement « occidentales ».

Il faut un effort de mise en contexte historique pour comprendre la complexité de la situation, comme la vidéo d’Histoires crépues ci-dessous en fait le trop rare exercice, malgré quelques approximations corrigées en commentaires.

Si l’on prend le temps d’y penser, les trois-quarts du monde sont constitués de peuplements issus d’un processus colonial.

Pour autant, qui prétendrait aujourd’hui expulser les populations non autochtones des deux Amériques, au prétexte que ce sont des colons ? Et faut-il rappeler que l’arabisation et l’islamisation des populations berbères du Maghreb est aussi un processus colonial ?

Les cartes de la colonisation des territoires occupés ci-dessus, partagées à l’envi, propagent l’impression que les Israéliens sont dans un processus d’expansion colonial. Outre le fait que la première de ces cartes est une fiction, une Palestine souveraine n’ayant jamais existé, puisqu’elle était sous domination ottomane, ce qui n’apparaît pas dans cette succession, pourtant, c’est l’image plus large de la situation des populations juives au Maghreb et au Machrek dans la même période. Or l’éviction des juifs de ces territoires relève d’un traumatisme analogue à celui provoqué par la Nakba. Et il est paradoxal que les pays arabes, en contraignant les juifs séfarades à l’exil et donc, pour une bonne part d’entre eux, à l’alyah, ont sans doute alimenté ainsi la colonisation des territoires occupés.

Évolution de la population juive en Afrique du Nord et au Proche-Orient entre 1948 et 2012 (à titre de comparaison, la population palestinienne déplacée lors de la Nakba est estimée entre 700 000 et 750 000 personnes)

L’établissement d’un foyer national juif est une réalité historique, entérinée par la reconnaissance de l’État d’Israël par l’ONU et la quasi-totalité des États du monde (139 sur 193). Le projet sioniste est donc légitime et, en ce sens, achevé. S’il est fondé de s’opposer à la colonisation de la Cisjordanie, qui est un projet expansionniste illégal, attenter à l’existence d’Israël est par contre illégitime, et pour les mêmes raisons. En effet, nier le droit à l’auto-détermination du peuple juif au prétexte qu’il ne disposait pas de territoire avant les premières vagues de peuplement sionistes, c’est nier ce même droit à tous les peuples sans terre, y compris à la diaspora palestinienne. L’occupation de la Cisjordanie, parce qu’elle est illégale, affaiblit le droit international, fondement de la légitimité d’Israël.

Et c’est cette même légalité internationale qui commande la création d’un État palestinien, pour répondre aux aspirations nationales du peuple palestinien comme il a été répondu à celles du peuple juif. La légitimité d’un État palestinien ne pourrait toutefois elle-même reposer que sur la reconnaissance du droit international, et donc sur celle d’Israël. Même si d’aucuns prétendent qu’une identité palestinienne distincte de l’identité jordanienne n’est qu’une invention récente, née en réaction à la Nakba et forgée dans l’exil, il n’empêche qu’aujourd’hui le peuple palestinien existe et doit être reconnu comme une réalité historique, comme le rappelle Yvan Attal dans ce puissant discours.

Une guerre de religion ?

En Occident, le conflit est aussi souvent perçu essentiellement comme une guerre de religion opposant juifs et musulmans. C’est oublier que juifs et musulmans ont cohabité pacifiquement pendant des siècles dans tout le Maghreb et dans tout le Machrek. Cette cohabitation et le déchirement même qu’a représenté, parfois pour les deux communautés, le départ des Juifs du Maghreb est superbement documentée par le franco-marocain Kamal Hachkar dans son film Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah.

C’est oublier aussi que le judaïsme, contrairement à l’islam et au christianisme, n’est pas une religion prosélyte mais ethno-centrée. Le judaïsme ne considère pas que le salut du monde passe par la conversion. Ce sont les Juifs eux-mêmes qui ont des devoirs qui leur incombent, il est donc inutile et même illogique de rendre ces devoirs obligatoires aux non-Juifs. C’est mettre de côté, surtout, qu’il s’agit avant tout, à l’origine, d’un conflit territorial.

Si la question religieuse est prégnante, c’est essentiellement dû à la présence à Jérusalem et alentour de lieux saints des trois monothéismes.

Si l’on peut identifier une guerre de religions au cœur du conflit, c’est plutôt celle qui oppose les deux branches de l’islam, les sunnites et les chiites. Ainsi, bien que les Palestiniens musulmans soient d’obédience sunnite, le Hamas, initialement fondé comme branche des Frères musulmans sunnites, est soutenu par l’Iran chiite, via son proxy, le Hezbollah. Mais les dirigeants du Hamas sont pourtant hébergés par le Qatar sunnite wahhabite. Le Hamas est par ailleurs en concurrence à Gaza avec le Jihad islamique, d’obédience sunnite.

Sans parler de la concurrence millénaire de l’islam et du christianisme, réactivée en Europe par l’opposition entre le projet islamiste et l’extrême-droite, et aux USA par le soutien des Évangélistes, relayé par le trumpisme, à Israël, justifié par la volonté délirante d’accomplir la prophétie de l’Apocalypse.

Le rôle de la guerre de religion entre juifs et musulmans dans le conflit est donc largement surévalué, mais reste un risque majeur, compte tenu de la radicalisation religieuse du Hamas comme des sionistes religieux. Parce qu’il a joué avec le feu des deux côtés, en favorisant l’émergence du Hamas pour contrer le Fatah laïque, d’une part, et en s’alliant avec les sionistes religieux, d’autre part, la responsabilité de Netanyahou est immense, à cet égard. Éviter qu’une guerre de religion embrase toute la région sera, de ce fait, un enjeu majeur des prochaines années.

Israël, un État d’apartheid ?

Pour délégitimer ce qu’ils désignent comme l’« entité sioniste », certains n’hésitent pas à mobiliser un concept spécifique de l’histoire sud-africaine, l’apartheid. La réalité locale est contrastée : prétendre que les arabes israéliens sont victimes d’apartheid ne résiste pas à l’analyse. On ne trouvera en Israël aucun des dispositifs institutionnels définissant un apartheid : transports séparés, écoles séparées, lieux publics séparés. Certes, la situation n’est pas parfaite, les communautés se côtoient peu et il y a de la discrimination, mais elle est sociologique et non institutionnelle. À part quelques postes stratégiques, les arabes israéliens ont accès à tous les postes, et il y a des députés arabes et des partis arabes à la Knesset. La situation est plus complexe en Cisjordanie où la protection par l’armée des implantations et le comportement des plus extrémistes des colons conduit à un isolement grandissant des populations. L’isolement est toutefois partiellement réciproque : de fait, les Israéliens sont quasiment interdits de circuler dans une grande partie de la Cisjordanie. Quant à la bande de Gaza, le concept n’y a aucun sens, puisque, depuis 2005, celle-ci est sous le contrôle du Hamas, et les Israéliens en étaient totalement absents jusqu’à la guerre en cours.

L’accusation est d’autant plus mal vécue par le monde juif que celui-ci, à la sortie de la guerre, fût en première ligne des combats pour les droits civiques aux États-Unis et contre l’apartheid sud-africain.
Les Israéliens ne sauraient toutefois nier qu’en l’absence de résolution du conflit, le risque est réel et inéluctable d’une dérive vers quelque chose d’apparenté à l’apartheid en Cisjordanie, notamment à travers l’enclavement de territoires, devenant ainsi assimilables à des bantoustans, dont la population est contrôlée en contraignant ses entrées et sorties vers le reste du pays, alors qu’elle en dépend pour son travail et sa subsistance.

De la Guerre froide au Choc des civilisations : construire son meilleur ennemi

Le Proche-Orient a été pendant plusieurs décennies l’enjeu de l’affrontement entre le bloc communiste et le bloc capitaliste, dans le cadre de la guerre froide. C’est une des causes majeures de la persistance du conflit. Ce n’est pas un hasard si les accords d’Oslo ont pris place pendant la brève période d’apaisement des relations Est-Ouest, juste après la chute de l’URSS. On aurait pu croire que la chute du bloc communiste y mettrait définitivement fin. Mais la dialectique idéologique n’est jamais aussi puissante que quand elle peut rassembler les foules face à un ennemi. Quand celui-ci manque, elle tend à en trouver, voire à en construire un. Ainsi la Russie de Poutine, orpheline de la Guerre froide autant que de la grandeur soviétique, tente depuis le Printemps arabe de la relancer au Proche-Orient, soutenant les régimes autoritaires chiites en Syrie et en Iran, au seul motif qu’ils sont hostiles aux Américains.

Mais les Américains, privés de leur ennemi héréditaire, avaient pris les devants et s’étaient déjà trouvé un nouvel ennemi, lui-même rejeton de la Guerre froide. Un ennemi qu’ils avaient eux-mêmes nourri pour combattre les Soviétiques en Afghanistan. C’est Amin Maalouf qui fait remarquer, dans le Naufrage des civilisations, la quasi-simultanéité de « révolutions conservatrices » à la fois en Occident, avec le tchatchérisme et le reaganisme, et en Islam, avec la révolution islamique à Téhéran.

[…] nous venions d’entrer dans une ère éminemment paradoxale où notre vision du monde allait être transformée, et même carrément renversée. Désormais, c’est le conservatisme qui se proclamerait révolutionnaire, tandis que les tenants du « progressisme » et de la gauche n’auraient plus d’autre but que la conservation des acquis.
Dans mes notes personnelles, je me suis mis à parler d’une « année de l’inversion », ou parfois d’une « année du grand retournement », et à recenser les faits remarquables qui semblent justifier de telles appellations. […] il y en a surtout deux qui m’apparaissent particulièrement emblématiques : la révolution islamique proclamée en Iran en février 1979 ; et la révolution conservatrice mise en place au Royaume-Uni par le Premier ministre Margaret Thatcher à partir de mai 1979.
[…] Dans un cas comme dans l’autre, on a levé l’étendard de la révolution au nom de forces sociales et de doctrines qui avaient été, jusque-là, plutôt les victimes, ou tout au moins les cibles, des révolutions modernes : dans un cas, les tenants de l’ordre moral et religieux ; dans l’autre, les tenants de l’ordre économique et social.

Amin Maalouf, le Naufrage des civilisations, p. 197–198

Cette nouvelle opposition est théorisée dans un ouvrage qui fit beaucoup de bruit à l’époque, le Choc des civilisations, de Samuel Huntington. L’idée d’un affrontement inéluctable entre l’Occident et l’Islam s’est répandue d’autant plus rapidement qu’elle était idéale pour fédérer les extrêmes droites en Occident autour de la lutte contre un ennemi commun. Le problème d’une telle prophétie, c’est qu’elle est largement auto-réalisatrice : les agissements des États-Unis au Proche-Orient après le 11 septembre ont déstabilisé la région, laissant aux chefs de guerre locaux des Etats faillis à administrer, et accentué la détresse et le ressentiment des populations arabes, facilitant leur radicalisation.

Dans ce contexte, Israël est désigné comme la tête de pont de la lutte de l’Occident contre l’Islam. Benyamin Netanyahou lui-même a entretenu cette vision mortifère, dans un récent discours en France.

“Notre victoire c’est la victoire d’Israël contre l’antisémitisme, c’est la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie.”

Extrait du discours de Benyamin Netanyahou sur LCI

On ne peut que s’effarer de l’irresponsabilité d’un dirigeant qui prétend faire des populations israélienne et palestinienne la chair à canons d’un affrontement civilisationnel qu’il aura lui-même contribué à installer dans l’imaginaire collectif.

Les catégories de la société israélienne cadrent pourtant mal avec le paradigme du Choc des civilisations. Les ashkénazes, venus d’Europe, sont en effet majoritairement représentés dans la gauche israélienne, tandis que les Séfarades forment une grande partie de l’électorat de Netanyahou, alors qu’ils sont culturellement beaucoup plus proches des Palestiniens.

Surtout, comme l’évoque Ivan Attal dans le discours cité plus haut, de la même façon qu’on se construit des ennemis, il est possible de se créer des interlocuteurs pour la paix, si on a la volonté de penser au-delà de la logique vainqueur-vaincu, donc de domination de l’un sur l’autre. Faute de quoi, il n’y aura d’autre issue que l’effondrement.

Un chiffre exprime l’espoir d’une résolution possible du conflit : dans une sondage de décembre 2023, deux tiers (65%) des Arabes israéliens ont déclaré se sentir « partie prenante de l’État d’Israël et de ses problèmes ». Six mois avant, en juin, moins de la moitié des Arabes israéliens s’identifiaient à Israël.

A contrario, dans un sondage réalisé fin mai, près de deux tiers des palestiniens interrogées disent soutenir les attaques du 7 octobre, contre 71 % en mars 2024 et 72 % en décembre 2023, tandis que 80 % estiment que les massacres ont replacé la question palestinienne au centre de l’attention internationale.

On comprend donc bien que l’antisémitisme et l’antisionisme des Palestiniens n’est pas une composante essentielle, mais plutôt le résultat combiné du déni de leurs droits fondamentaux et de l’exposition à la propagande du Hamas.

Des enjeux qui dépassent le Proche-Orient

On l’a vu, appréhender pleinement les origines du conflit israélo-arabe et les causes de sa durée, implique de le situer dans le contexte local et international. Au-delà même des conflits idéologiques mondiaux, la situation géographique d’Israël, au carrefour de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe, en fait un enjeu géopolitique, géo-économique et géostratégique majeur. Pour ne prendre qu’un exemple, certains analystes estiment que le facteur déclenchant de l’attaque du 7 octobre aurait été le rapprochement d’Israël et de l’Arabie saoudite.

Celui-ci est favorisé par les États-Unis et l’Europe, parce qu’il est une condition nécessaire à l’établissement du Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (en anglais : India-Middle East-Europe Economic Corridor, sigle IMEC), qui doit faciliter le commerce de marchandises, mais aussi le transport d’électricité ou d’hydrogène produits à partir d’énergies renouvelables, en passant par l’Arabie saoudite, la Jordanie et Israël.

Son enjeu est largement géopolitique puisque ce projet se concrétise dans le contexte d’une polarisation du monde provoquée par la guerre en Ukraine, dans laquelle deux blocs, l’un occidental et l’autre pro-russe, se disputent, à l’instar de la guerre froide, le soutien des pays émergents d’Afrique et d’Asie. Rapprocher le Moyen-Orient et l’Inde de l’Europe pourrait être une initiative répondant à la « Belt and Road Initiative » [Nouvelle Route de la Soie, NDLR] initiée par la Chine, l’un des principaux soutiens étrangers de la Russie.
Wikipedia, article “Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe”.

Plus encore, le CMEI est en concurrence directe avec le projet russe du Corridor de transport international Nord-Sud, qui tend à faire converger les flux de marchandises à destination de l’Europe vers le territoire russe. La dernière tranche de ce projet, qui relie Rasht à Astaraa, en Iran, a été décidée en mai 2023 et annoncée le 26 octobre 2023.

On peut imaginer que, pour les russes, il s’agissait d’un casus belli, d’une attaque intolérable contre leurs intérêts dans la région. D’où, peut-être, le déclenchement de l’attaque du 7 octobre, afin de provoquer des représailles israéliennes de nature à compromettre la normalisation avec l’Arabie Saoudite.

On comprend donc que, même s’il y a, certes, des responsabilités majeures, israéliennes comme palestiniennes, dans la poursuite et l’escalade de ce conflit, il est illusoire de prétendre qu’il suffirait que l’un ou l’autre camp, ou les deux, décident de cesser les hostilités pour qu’il y ait la paix. Parce qu’en réalité, aucun des deux ne maîtrise la situation, aux mains d’autres acteurs.

Tant qu’ils ne s’adressent qu’à l’une des deux parties, ou même aux deux, mais sans impliquer l’ensemble des acteurs responsables de la poursuite du conflit, nos appels à la paix ne servent donc qu’à masquer notre hypocrisie. En réalité, nous préférons hélas le confort de nos postures idéologiques à une authentique démarche de paix, forcément déstabilisante, comme je l’ai déjà évoqué dans la première partie de cet article.

Ce n’est qu’une fois évacuée la question du choix d’un camp qu’il est possible de repenser un processus de paix, à condition de sortir des positions idéologiques et des concepts mobilisateurs pour traiter les questions opérationnelles en mobilisant à la fois la créativité et le réalisme. C’est à quoi nous tenterons de nous atteler, dans la troisième partie de cet article.

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