Faux débat #1 – Urgence sanitaire vs risque de dictature sanitaire ?
Une alternative pourrie sert presque toujours à cacher sous le tapis un problème dont on ne veut pas s’occuper.
Dans le débat actuel sur la pandémie, qui oppose partisans de la vie et défenseurs des libertés, on oublie commodément l’essentiel : qui s’occupe d’éviter de nouvelles pandémies ?
De deux choses l’une, choisissez toujours la troisième. Dans la république des sondages, dans un monde gouverné par la majorité, l’optimum politique tend vers une polarisation entre deux camps. Chaque problème nous est alors présenté, avec la complicité des médias, comme un choix entre les deux termes d’une alternative. En général, ce type d’alternative simpliste est le signe que le débat est d’emblée mal posé. C’est-à-dire qu’on oppose souvent deux avis quand l’un et l’autre peuvent très bien avoir tort, ou raison.
La réaction à la pandémie ne déroge pas à la règle : typiquement, on oppose deux analyses qui sont toutes deux exactes.
Oui, nous sommes dans une situation d’urgence qui nécessite de prendre des mesures de restriction de certaines libertés pour sauver des vies. Comment accepter que des gens meurent parce que certains trouvent que porter un masque est une atteinte intolérable à leur liberté ? Ou pour sauver un demi-point de croissance ? Ceux qui ont peur pour leur vie et celles de leurs proches ont donc raison d’en vouloir à ceux qui leur font prendre des risques au nom de la liberté. Parce qu’on ne profite guère de sa liberté quand on est mort, ou gravement handicapé par la maladie.
… et en même temps…
Oui, les mesures prises pour tenter d’enrayer la pandémie nous conduisent tout droit à une dictature sanitaire. Comment pouvons-nous accepter un monde où nos libertés se réduisent chaque jour un peu plus, où la surveillance de masse prend des proportions jamais atteintes, où les relations sociales rétrécissent comme peau de chagrin ? L’histoire nous apprend que les lois d’exception ont tendance à perdurer bien après la disparition de ce qui les justifiait. Ceux qui craignent pour l’avenir de nos démocraties ont donc raison d’en vouloir à ceux qui les montrent du doigt pour conjurer leur peur. Parce qu’à trop avoir peur de mourir, on finit par renoncer à vivre.
Alors ? Comment résout-on ce paradoxe, cet impossible “et en même temps” ?
Poser le débat correctement, c’est rappeler que cette pandémie ne tombe pas du ciel, que ses causes sont connues… et qu’elles sont d’origine humaine.
Les maladies nouvelles qui apparaissent aujourd’hui de plus en plus fréquemment, et se répandent aussi vite et aussi efficacement que les échanges commerciaux d’une économie mondialisée, sont des conséquences directes de nos modes de vie. La destruction et l’accaparement croissant, pour notre seul bénéfice, des habitats naturels chasse les espèces qui s’y trouvent, comme les chauve-souris, dans le cas des coronavirus. Les virus présents dans leur organisme peuvent alors entrer en contact avec nos animaux domestiques, qui servent d’hôtes intermédiaires, et propagent la maladies d’autant plus facilement qu’ils sont élevés dans des conditions sanitaires désastreuses. Dans le cas du SARS-COV2, on soupçonne que l’hôte intermédiaire est le vison ou le chien viverrin, les deux étant élevés en grand nombre pour leur fourrure autour de Wuhan.
Les scientifiques nous avertissent depuis déjà longtemps des risques que cette situation nous font courir. Et prédisent que si rien ne change, les épidémies seront de plus en plus fréquentes.
Si nous ne faisons rien pour en traiter les causes, nous serons donc contraints inéluctablement, non par un complot, mais par la réalité, à une dictature sanitaire de plus en plus dure, sans aucune garantie d’efficacité.
On comprend donc qu’il est proprement intolérable que nos gouvernements nous imposent des privations de liberté extrêmes, sans nous donner de perspective sur la fin de ces restrictions, puisqu’aucune mesure n’est prise pour mettre fin au mode de vie et aux pratiques à l’origine des événements justifiant ces restrictions.
… et en même temps…
Il est tout autant intolérable que nos gouvernements, au-delà de nous protéger immédiatement, ne prennent pas les mesures nécessaires pour éviter de nous faire vivre éternellement dans l’attente d’autres pandémies et dans l’angoisse du “big one” qui nous exterminera.
Répondre à ces deux problématiques faussement opposées consiste donc à examiner ce qu’elles ont en commun pour le traiter de façon cohérente et convergente.
Mais ça ne devrait justement pas consister à faire du “et en même temps”, en ménageant la chèvre et le chou, pour faire plaisir à tout le monde et ne satisfaire personne.